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Luc Paré témoigne de son expérience auprès des retraités de l'enseignement

Texte paru dans l'AREF-INFO Vol 15, numéro 2, automne 2016.

Un séjour de solidarité au Cambodge

En juin 2016, nous partions, un groupe de dix personnes du Québec, membres de l’organisation de solidarité internationale Développement et Paix (DP) (www.devp.org), pour un séjour de vingt jours au Cambodge pour y rencontrer des partenaires de DP. Notre objectif était de mieux connaître leur travail, leurs réalisations ainsi que leurs réalités culturelles, sociales, économiques et politiques et surtout, pour leur signifier notre appui. Ces gens sur le terrain participent à des programmes de développement communautaire grâce à des fonds reçus de DP, organisme fondé, il y aura 50 ans en 2017. DP a déjà apporté son aide à des ONG dans plus de 70 pays. Au Canada, DP organise des campagnes de mobilisation auprès du public et des actions de plaidoyer auprès des députés et du gouvernement canadien.


Quelque 35 heures après notre départ de Montréal, nous arrivons à Phnom Penh après plus de 14000 km et 23 heures en vol. Nous sommes accueillis chaleureusement par des représentants de DPA. Dès le lendemain, nous établissons nos premiers contacts avec quelques partenaires cambodgiens dans leurs bureaux nationaux de Phnom Penh.


NGO Forum on Cambodia est une coalition qui vise à faire le lien entre le gouvernement cambodgien et les quelque 450 ONG cambodgiennes et internationales qui opèrent au Cambodge. Ces intervenants de la société civile essaient de coordonner la défense des droits humains en plus d’appuyer des activités de plaidoyer sur les questions de développement du pays. Un autre groupe, le YRDP (Youth Resource Development Program) s’est donné comme mission d’organiser la formation et la mobilisation de jeunes universitaires de Phnom Penh afin qu’ils puissent aller sensibiliser d’autres jeunes dans tout le pays. Des représentants de DPA (Development and Partnership in Action) nous ont expliqué leur implication dans la défense des droits humains et dans le soutien des pauvres et des autochtones des zones rurales.


Un saut dans l’histoire

Une visite au Tuol Sleng Genocide Center, le fameux centre de détention S-21 installé dans un lycée construit au temps du protectorat français, nous plonge dans cette période sombre du Cambodge. Une maison d’éducation transformée en lieu d’interrogatoire et de torture! Des milliers de cambodgiens (et étrangers) furent interrogés, torturés et exécutés pendant le régime de Pol Pot et de ses Khmers rouges. Du 17 avril 1975 jusqu’en décembre 1978, plus de 20 % de la population cambodgienne a été décimée par les exactions, la torture, le travail forcé excessif, les maladies et la famine. On dit qu’à la fin de cette période, le pays était revenu à l’âge de pierre.

Un peu de tourisme

De Phnom Penh, nous nous déplaçons vers Siem Reap à 375 km pour y visiter un endroit très touristique : les fameux temples d’Angkor construits à l’apogée de la culture khmère entre les IX et XV siècle. Ces temples et ces palais majestueux oubliés ou craints pendant des siècles ont été envahis par des fromagers géants, ces immenses arbres dont les racines couvrent plusieurs ruines.


Par un affluent du Tonle Sap, le plus grand lac du Cambodge, un bateau nous amène à un village lacustre, habité par des Cambodgiens d’origine vietnamienne. Nous y visitons une école « flottante ». Les élèves y viennent en bateau! Cette école sert aussi d’église catholique. Pendant le protectorat français en Indochine (Laos, Cambodge, Vietnam et Thaïlande), les Vietnamiens ont adopté le catholicisme mais les Cambodgiens eux, ont conservé le bouddhisme, la religion d’état actuelle.


Des représentantes de l’ONG Banteay Srei (BSrei), une organisation pour la promotion et la défense du droit de femmes, nous font visiter différents projets dans les alentours de Siem Reap. Dans un petit village, nous rencontrons un groupe de femmes de 17 à 35 ans. Un programme de bonne gouvernance leur apprend à faire fonctionner l’économie du village et de la famille. Une coopérative de micro crédit permet à certaines familles d’économiser tout en aidant d’autres familles qui peuvent avoir des besoins par exemple, pour acheter des semences ou pour faire soigner les malades. Avec BSrei, les femmes apprennent à connaitre leurs droits : cela vise à renforcer l’entente dans les familles et à contrôler la violence. Beaucoup d’hommes ont été formés à la guerre pendant ce long conflit de 1970 à 1998. Pour oublier le travail difficile, souvent loin de la maison, certains consomment beaucoup d’alcool de riz et deviennent violents. Des équipes veillent à la sécurité des femmes, par exemple, des cris pendant la nuit pourront permettre l’intervention des voisins ou du chef du village.


En route vers Battambang

Un parcours de 175 km nous mène vers Battambang. Tout comme Phnom Penh, cette ville a été vidée de ses habitants le 17 avril 1975. Les khmers rouges chassaient les gens des villes, symbole de la « pourriture capitaliste », pour les envoyer cultiver en campagne. Le pays devait vivre en autarcie complète, basée sur la production de riz. Cette décision du régime de Pol Pot jeta des millions de citadins sur les routes du pays dans des conditions de vie épouvantables.


Madame In Sopha, notre traductrice pour la suite du séjour, est une rescapée de cette purge visant les intellectuels, les enseignants, les médecins et tous ceux qui voulaient s’instruire. Elle qui devait aller étudier à la Sorbonne en septembre 1975, voit ses plans bouleversés ce 17 avril 75! Elle a survécu en enlevant ses lunettes et en se faisant passer pour une idiote. Elle a dû cacher pendant ces quatre années qu’elle connaissait le français, le vietnamien en plus du cambodgien. Trois membres de sa famille sont morts durant ce conflit. Sa petite sœur de six ans a osé protester parce son école était fermée : des khmers rouges l'ont battue et elle est morte quelques jours plus tard.

Un survol rapide de la fin du séjour.


Les visites des différentes communautés sont autant de découvertes de belles réalisations accomplies avec des moyens limités. Pendant ces rencontres, il est impressionnant de voir ces personnes assises par terre, à écouter attentivement et patiemment les présentations des projets de leurs communautés, tout cela avec le délai de traduction khmer français! Que de détermination, de fierté et de reconnaissance de leur part lors de ces échanges!


Une femme nous fait visiter sa petite ferme de production de champignons. Les champignons poussent sur un substrat, constitué d’épis de maïs broyés, enrichi de sucre de canne et placé dans des sacs de plastique. La productrice peut cueillir 30 kg de champignons par jour. Quelle ingéniosité avec peu de moyens techniques et financiers! Une aide accordée par BSrei et DP lui permet de faire vivre sa famille et d’envoyer ses enfants à l’école.

Des motos surchargées de personnes ou de matériel, des rizières qui commencent à verdir, des vaches sur le côté de la route, des enfants qui reviennent de l’école, des pagodes étincelantes, des maisons sur pilotis, ce sont les images qui nous ramènent vers Kampot, au sud du pays. Plus de huit heures de route!


DPA, partenaire de DP, nous fait visiter plusieurs projets de la région de Chumkiri : une communauté qui progresse grâce au microcrédit et au commerce du riz et d’engrais chimique; une petite ferme familiale dont la vie a été changée grâce à une aide de départ de quatre poules et d’un coq (voir texte dans notre blogue). Les besoins en eau étant importants, à un endroit on creuse des mares pour accumuler l’eau de pluie, à un autre, on installe une tour d’eau pour l’approvisionnement d’un village.


Un dernier sprint de 500km nous amène vers Rathani Kiri, au nord du pays. La « Teun Community Forestry », un groupe autochtone, y gère et protège une forêt communale pour tirer profit de sous-produits, pour conserver les arbres et surtout les protéger des « voleurs » de bois. Des forêts ont été rasées pendant les dix ans d’occupation vietnamienne.


Après la rencontre de plusieurs partenaires, nous réalisons que ce partenariat avec des organisations locales, tel que pratiqué par DP, est une excellente façon de soutenir des communautés dans leur combat pour leurs droits et leur dignité. Ces gens sur place savent mieux faire ce qui est meilleur pour eux, même avec des moyens limités. Je peux maintenant témoigner du travail de ces partenaires de D&P au Cambodge, des gens courageux et déterminés malgré des conditions de vie difficile.


Merci à Développement et Paix, à l’Œuvre Saint-Édouard de Saint-Georges et à toutes ces personnes qui m’ont permis de réaliser un vieux rêve. Orkun!

Luc Paré

Membre bénévole de l’organisme Développement et Paix


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